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Archive for the ‘Merveilles’ Category

Couleur du jour, humeur du cœur

De quelle teinte est baignée notre âme aujourd’hui ? Et si nous apprenions à être plus attentif aux couleurs qui nous entourent et qui résonnent avec notre humeur du jour.

Ce matin, j’accompagne mon fils chez un ostéopathe. Le ciel est gris, la pluie glacée. Dans la salle d’attente claire et raffinée, je feuillette un magazine. Une double page m’arrête un instant avec son kaléidoscope de couleurs. Titre de l’article : « Quelle est votre couleur dominante ? » Envie de jaune, aujourd’hui. Je me demande pourquoi j’apprécie cette teinte vanille des îles. Pas ma nuance préférée d’habitude. Mais pas le temps de lire plus avant l’article pour découvrir la symbolique du jaune. L’ostéopathe arrive, c’est notre tour.

Nous entrons dans son cabinet. Je lui expose la raison de notre venue. Je reste assis dans un coin pendant la séance d’ostéopathie pour mon fils. Je me laisse bercer par la voix calme du praticien et la musique douce qui tombe d’une enceinte. Je me sens particulièrement détendu et, soudain, je prends conscience que les murs sont tendus de soie jaune, les rideaux devant la fenêtre sont ocre jaune. Même la « table » où est étendu mon fils, est recouverte d’une sellerie… mirabelle !

Une heure plus tard, nous voici dehors. Le cœur ensoleillé et l’âme en fête. Dehors, il pleut toujours. Nous sommes deux yellow submarines détrempés, dansant sous un ciel anthracite. Jaune et gris, deux teintes qui se marient à merveille. Je célèbre les épousailles de ces deux tonalités avec mon fils en mêlant nos rires d’hommes excités par cette pluie qui nous tombe dans les yeux. Singing in the rain

Et vous, quelle est la couleur de votre journée ? Qu’êtes-vous prêt à laisser pénétrer en vous des couleurs du monde pour l’accorder à votre vie intérieure ? Et peut-être réchauffer votre cœur et vos relations avec les autres.

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La nouvelle année a commencé. Nous avons pris des résolutions, imaginer de nouveaux projets, échanger des vœux, espérer des lendemains plus enchanteurs. Mais avons-nous pris le temps de nous retourner sur les merveilles de l’année passée ? Sur les moments de joie mais de souffrances aussi parfois, comme le prouve ce texte envoyé par un internaute : « Rendre grâce pour l’année qui s’achève ». De cet acte de gratitude jaillira la lumière qui éclaire les chemins de l’avenir.

Rendre grâce pour l’année qui s’achève

Pour l’amitié et sa célébration solaire et magnifique : pour vous qui avez traversé ma vie et mon âme, pour les routes parcourus ensemble au plus noir de nos nuits et aux petits matins clairs après la pluie des larmes, quand la solitude fond sous la chaleur des cœurs partagés

Pour les déchirures intérieures qui fondent l’apprentissage du mieux aimer

Pour elle, la femme de mon vie, et pour la joie qui s’échappe d’une boucle blonde de sa lointaine et si proche enfance

Pour eux, mes fils et mes filles, qui s’ouvrent à la jeunesse et à la folle beauté du monde

Pour ton œuvre en moi, mon Innommé, mon consolateur, ma lumière et la merveille de mon âme

Pour les joies du métier, nos échanges, rencontres, apprentissages, fatigues et instants de grâce suspendus

Pour les jours de maladie qui m’ont offert des chemins de résurrection après le silence et l’enfouissement

Pour les rires de l’été dans la lumière de midi et les vents clairs descendus du nord

Pour toutes les choses simples qui ont fait chanter mon esprit, les oiseaux, les arbres et les sourires

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Bernard Giraudeau est mort, emporté par le cancer dont il souffrait depuis plusieurs années. Le comédien charismatique au sourire enchanteur, acteur et bourlingueur au long cours, avait été séduit par l’écriture en même temps qu’il était touché par la maladie. Apprenant à « regarder les choses différemment et à être plus aimant », il laisse en testament ses livres et l’image d’un homme amoureux de la vie.

Dans Libération, le 10 mai dernier, il évoquait sa maladie, ses traitements et son parcours de patient :

A un moment, je ne pouvais plus continuer, je voyais bien que j’allais vers quelque chose qui me rapprochait de l’abîme. Cela tenait à mon existence qui avait de moins en moins de sens, une course effrénée qui me maintenait en permanence dans un état d’angoisse, celle qui peut accompagner notre métier d’acteur. J’allais où ? Un manque de sens, de profondeur, de recherche sur l’essentiel… Et donc, le cancer est arrivé et je n’étais pas trop étonné. […]

Vous vous rendez compte qu’il vous reste dans la vie peu de choses, mais elles sont là, importantes. Un peu de bonheur, beaucoup d’amour. C’est tout bête. Et à part ça ? Il faut être heureux avec ce que l’on a. Il faut calmer le jeu, arrêter les colères, ce qui n’est pas simple. Regarder les choses différemment, être plus aimant. Comprendre. 

Percer la vérité, jusqu’à la substance de notre existence

« Regarder les choses différemment. » C’est ce que le comédien, cinéaste et écrivain a réalisé dans les romans écrits sur l’ultime versant de sa vie : Le Marin à l’ancre, Les dames de nage, Cher amour… Dans Cher amour, son dernier roman, récit de voyage poétique et flamboyant où transpercent au fil des pages tant d’éléments autobiographiques, Bernard Giraudeau revisite les théâtres parisiens de sa carrière de comédien pour nous offrir une vision magnifique du métier de comédien :

Un acteur est comme le peintre devant un mur nu. Il m’a fallu du temps pour saisir que l’espace vide est une proposition magnifique à l’imaginaire. Il nous faut répéter dans ce théâtre vide pour être libre des valeurs ajoutées. Je veux jouer sans décor, sans costume, sans vêtement aucun, disait Piscator, bien entendu quand je dis nu, je ne parle pas des corps mais de l’âme, pour percer enfin la vérité, jusqu’à la substance de notre existence.

On n’a jamais trouvé un personnage, il est temporaire. Un théâtre est une nécropole de fantômes, de rôles oubliés, des Hamlet, des M. Jourdan, des Tartuffe, des Figaro, Fantasio, Mercutio, Isé, et c’est soudainement la vie dès que l’acteur est en scène et que le spectateur accepte qu’il se déguise et fasse semblant. C’est ce jeu de l’enfance retrouvée qu’il faut appliquer, faire semblant et y croire. L’enfant peut voir l’invisible, un coquillage dans le creux de la main qu’il tient précieusement et qu’il offre à la petite fille qui le recueille avec bonheur. Donner à voir, à entendre, donner. Jouer à « on dirait que… ». On dirait que je suis le prince ailé et toi la sirène, toi la marchande et moi le client. Plus tard, quand on est grand, on enchaîne avec on dirait que… » je suis Diderot et toi Mme Terbouche, toi Almaviva et moi Suzanne, Bérénice, Agnès et qui vous voulez.

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Laurent Terzieff est mort le 2 juillet. Du comédien à la présence habitée et douloureuse, nous entendrons encore longtemps résonner sa voix, la plus fervente et mystique qui existait au théâtre. Elle bouleversait l’âme et les sens en se frayant un passage vers l’invisible tapi au plus profond de chacun d’entre nous.

« Les hommes sont des projets de liberté, c’est rien d’autre que ça », disait-il en 1997 à l’époque où il mettait en scène Le Bonnet de fou de Pirandello au Théâtre de l’Atelier. « Avec l’âge, on se sent de plus en plus nu devant chaque nouvelle chose qui se présente, on se sent de plus en plus démuni, on ne croit plus aux méthodes, ni aux trucs, on est de plus en plus en danger », ajoutait-il. Réflexion qui nous ramène aux origines de l’émerveillement et à l’essentiel de la rencontre véritable entre deux êtres.

Ecoutons-le encore, dire un extrait des Cahiers de Malte Laurids Brigge de Rainer Maria Rilke.

« Pour écrire un seul vers, il faut avoir vu beaucoup de villes, d’hommes et de choses, il faut connaître les animaux, il faut sentir comment volent les oiseaux et savoir quel mouvement font les petites fleurs en s’ouvrant le matin. Il faut pouvoir repenser à des chemins dans des régions inconnues, à des rencontres inattendues, à des départs que l’on voyait longtemps approcher, à des jours d’enfance dont le mystère ne s’est pas encore éclairci, à ses parents qu’il fallait qu’on froissât lorsqu’ils vous apportaient une joie et qu’on ne la comprenait pas (c’était une joie faite pour un autre), à des maladies d’enfance qui commençaient si singulièrement, par tant de profondes et graves transformations, à des jours passés dans des chambres calmes et contenues, à des matins au bord de la mer, à la mer elle-même, à des mers, à des nuits de voyage qui frémissaient très haut et volaient avec toutes les étoiles – et il ne suffit même pas de savoir penser à tout cela. Il faut avoir des souvenirs de beaucoup de nuits d’amour, dont aucune ne ressemblait à l’autre, de cris de femmes hurlant en mal d’enfant, et de légères, de blanches, de dormantes accouchées qui se refermaient. Il faut encore avoir été auprès de mourants, être resté assis auprès de morts, dans la chambre, avec la fenêtre ouverte et les bruits qui venaient par à-coups. Et il ne suffit même pas d’avoir des souvenirs. Il faut savoir les oublier quand ils sont nombreux, et il faut avoir la grande patience d’attendre qu’ils reviennent. Car les souvenirs ne sont pas encore cela. Ce n’est que lorsqu’ils deviennent en nous sang, regard, geste, lorsqu’ils n’ont plus de nom et ne se distinguent plus de nous, ce n’est qu’alors qu’il peut arriver qu’en une heure très rare, du milieu d’eux, se lève le premier mot d’un vers. »

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« Je veux me planter au beau milieu de ce que les gens appellent des “atrocités” et dire et répéter : “la vie est belle” », écrit Hetty Hillsum dans son Journal intime. Comment la joie et  la tristesse peuvent-elles ainsi cohabiter au centre de notre expérience humaine ?

Evoquant avec des amis un récent week-end familial en Normandie et leur rapportant les sources d’émerveillement de ces trois jours, j’ai été surpris par la liste que j’en faisais, où se mêlaient la joie et les larmes :

Emerveillement : dans un pré en bordure de la mer, dans les environs d’Omaha Beach, crinière au vent et galopant de conserve, deux juments, l’une à la robe noir de jais, l’autre d’un bel alezan fauve, semblent danser sur un air de jeunesse et de liberté ; cimetière allemand et jardin de la paix de La Cambe terriblement triste et digne où j’ai simplement pleuré ; bouleversement le lendemain en lisant des lettres à leur mère de jeunes soldats américains tués dans la bataille de Normandie, puis en découvrant au Mémorial de Caen les photos de ces femmes juives ukrainiennes quelques minutes avant d’être abattues d’une balle dans la nuque ; émerveillement devant deux vues de Venise par Guardi au musée de Caen, puis quelques heures plus tard devant le ciel étoilé avec au loin le chant des grenouilles dans la nuit ; bonheur tendre et simple d’un après pic-nic au bord d’un ruisseau enchanteur, où avec nos enfants nous avons sorti crayons, fusain et aquarelle pour saisir chacun avec sa sensibilité l’impression des lieux ; jouissance de la sensation du sable tiède sur la peau en contemplant le camaïeu de couleurs bleu et brun formé par le ciel, la mer et la plage ; petits-déjeuners de rêve offerts avec grâce dans la chambre d’hôte où nous étions hébergés ; le sourire de la femme que j’aime ; émotion et sérénité pour finir au cimetière américain de Colleville-sur-Mer face aux alignements impeccables des tombes, symbole de fraternité humaine rehaussée par le mélange des croix chrétiennes et des étoiles juives. 

Une manière d’être au monde

Comment osais-je parler d’émerveillement alors que j’évoque des émotions pleines de vie à côté de ce déchirement de tout l’être suscité par la mort et ces larmes impossibles à retenir face aux photos du massacre des juifs en Europe central, cette horreur sans nom que l’on appelle la shoah par balles ?

Sur le moment, je n’ai pas cherché à comprendre, car ces émotions, loin d’être successives, se mélangeaient au point de ne plus se distinguer. Mais toutes me nourrissaient et me nourrissent encore pour longtemps. En outre, ces émotions se sont cristallisées dans un sentiment intérieur profond de joie intérieure inaltérable et sereine. Comment était-ce possible ?

Relisant Hetty Hillsum, je tombais sur cette phrase : « Je veux me planter au beau milieu de ce que les gens appellent des “atrocités” et dire et répéter : “la vie est belle”. »

Hetty écrit cela dans son Journal intime le 8 octobre 1942. Un an plus tard, elle mourrait à Auschwitz.

Cette réflexion n’est pas juste une réaction isolée, mais bien une façon d’être au monde qui tient compte de tous les éléments contradictoires de la réalité, attitude qu’Etty a mûrie et fait éclore peu à peu, comme en témoigne cette réflexion, le 23 septembre 1942 : « C’est comme une petite vague qui remonte toujours en moi et me réchauffe, même après les moments les plus difficiles : “Comme la vie est belle pourtant !” C’est un sentiment inexplicable. Il ne trouve aucun appui dans la réalité que nous vivons en ce moment. Mais n’existe-t-il pas d’autres réalités que celle qui s’offre à nous dans le journal et dans les conversations irréfléchies et exaltées de gens affolés ? Il y a aussi la réalité de ce petit cyclamen rose indien et celle aussi du vaste horizon que l’on finit toujours par découvrir au-delà des tumultes et du chaos de l’époque. »

Une vérité double et énigmatique

Dans son ouvrage De l’émerveillement, Michael Edwards note que « le comble de l’émerveillement contient et la grande joie et la grande détresse ». En analysant Le Conte d’Hiver, il note que pour Shakespeare, l’émerveillement est « la réaction la plus intense et la plus vraie aux deux extrêmes de notre expérience, au pire absolu comme au meilleur absolu ». « L’écrivain et le peintre, poursuit Michael Edwards, créent normalement les signes de l’émotions ressentie, mais une des propriétés de la musique, lorsqu’elle atteint une certaine limite (comme dans quelques adagios de Beethoven), est de susciter un émerveillement où l’on ne sait jamais si l’on rit ou si l’on pleure, comme si la joie et la tristesse n’étaient pas simplement des émotions contrastées mais l’indice d’une vérité double et énigmatique au cœur du réel. »

Michael Edwards n’hésite pas à situer la « co-présence de la joie et de la tristesse au centre de l’expérience humaine ». L’extrême limite de l’émotion, qui caractérise le moment de l’émerveillement, nous donne parfois l’impression de déborder. Ce sentiment se retrouve dans les adages populaires : « exploser de joie » ou « être hors de soi ». Quand nous ressentons cet éclair de joie, nous nous retrouvons alors à la fois sur les hauteurs et dans les profondeurs de l’être et du monde.

La joie comme récompense

Ce mélange des sentiments est une expérience presque commune pour le marcheur et le montagnard. En effet, la marche, comme l’explique selon Frédéric Gros, auteur inspiré de Marcher, une philosophie, entraîne de la joie, mais aussi de la fatigue et de l’ennui. Pourtant, au bout de la marche, c’est la joie qui domine. « Après toute une journée de marche, le simple délassement pris à étendre les jambes, à se rassasier simplement, se désaltérer tranquillement et contempler un jour qui finit, un soir qui tombe doucement. Le corps sans fin ni soif, sans souffrances, le corps en repos, et de et de sentir simplement vivre cela suffit à la joie la plus haute, d’une intensité pure, d’une modestie absolue : celle de vivre, de se sentir ici, de goûter sa présence et celle du monde en harmonie. »

La marche, métaphore idéal de notre condition humaine de pèlerin, nous offre ici une belle leçon de vie : sans l’effort préalable, sans avoir vécu la faim, la soif ou l’ennui, cette joie ne serait pas advenue.

Nous faisons une expérience similaire en montagne. Avez-vous déjà observé la différence entre la découverte d’un panorama après une montée en voiture d’une demi-heure et celle d’une demi-journée de marche ? Dans le premier cas, nous sommes heureux de découvrir la beauté du spectacle, dans le second, nous sommes inondés d’un sentiment de plénitude et de joie intense. Car le panorama s’offre alors comme une récompense de la marche, comme un accomplissement, un aboutissement. Comme si là-haut, suite à l’effort, tout devenait léger, tous les nœuds de dénouaient pour libérer la joie et nous révéler à nous-mêmes. « Solvitur in excelsis. » La solution est au plus haut, sur les cimes. A condition toutefois, d’être venu des profondeurs, d’avoir arpenté le paysage intérieur en laissant le manque, la soif et la faim creuser en nous ce besoin d’absolu. Mais l’un ne va pas sans l’autre. Nous ne touchons la joie des dieux qu’à condition de garder les pieds dans la poussière du chemin, en compagnie de nos frères humains. Sans eux, personne avec qui partager la route, personne à qui laver les pieds, personne à qui offrir sa joie.

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Je peux être tout pour l’autre, pour mon client, pour cette personne que j’accompagne, à condition d’avoir d’abord renoncé à moi-même. Si je n’ai pas fait connaissance avec mes peurs et mes solitudes, je ne saurai accueillir l’autre avec ses faiblesses. Et si je n’ai pas pris conscience de la puissance de ma propre lumière, je ne saurai pas non plus lui permettre de libérer la plénitude de ses richesses.

Si je ne me suis pas accepté moi-même avec mes petitesses et mes grandeurs, comment marcher du même pas que mon client : si je ne sais pas qu’il peut ralentir, s’arrêter, repartir soudain plein d’énergie, je ne saurais pas marcher à ses côtés, rythmant ma marche avec la sienne.

Mais lui peut aussi repartir en rythmant son pas sur le mien. Un mot prononcé, mon écoute attentive ou mon questionnement lui aura insufflé ma propre énergie. Le voilà qui repart plein d’allant alors qu’il était arrivé abattu. Sa vitalité a rencontré la mienne et l’alliance de nos deux énergies réunies va nous porter sur la route.

Ainsi ce dialogue avec une cliente en fin de séance :

–         Vous m’avez permis d’y voir clair et cela me redonne du courage.

–         Qu’est-ce qui vous a permis d’y voir clair ?

–         Votre regard sur moi, votre confiance en mes capacités.

Alchimie de deux énergies : je lui offre ma confiance sans même y penser, en étant simplement moi-même, et cette offrande lui ouvre l’accès à sa propre vitalité.

Echange de vie et contre-transfert

Il y a transfert (1) au sens propre, étymologique : porter à travers, porter de l’un à l’autre. Je t’apporte ma confiance, celle-ci te permet de retrouver la tienne, et tu m’offres en retour ta confiance. L’échange s’accomplit dans un mouvement de danse. L’alliance entre nous se renforce à chaque « transfert » de l’un à l’autre (2).

C’est en ce sens que j’accepte pleinement le terme de contre-transfert au sens où je suis alors tout proche de mon client : tout contre lui ; et nous voilà marchant dans la même direction. La confiance passe de l’un à l’autre dans un aller-retour naturel, un échange de vie, où chacun reste lui-même en restituant à l’autre ce qui lui appartient en propre. Chacun retrouve l’agir dans le plein usage de sa liberté.

Mais cet échange a pu advenir entre nous parce qu’il a été précédé d’un renoncement antérieur, vécu et accepté en pleine conscience. D’autant plus qu’un autre mode de transfert est fréquent : si je peux faire le plein d’énergie et l’offrir à mon client, je peux tout aussi bien rester vide, perdu sur la route avec lui, hésitant à chaque carrefour sur la route à prendre, rebroussant chemin avec lui, tournant en rond dans le désert, partageant sa soif et son sentiment d’errance. L’essentiel est de rester tout contre lui. Le pire serait de le perdre en ce moment. Mieux vaut être perdu à deux. Car si je ne suis pas conscient de son vide et du mien, comment l’aider ?

Errance commune et situation-miroir

Séance récente avec une cliente : un jeu de miroir s’instaure entre nous jusqu’à ce dialogue au bout d’une heure :

–         Je suis perdue, me confie-t-elle. Je ne vois pas comment faire autrement dans ce genre de situation. A chaque fois c’est la même chose et j’ai tout essayé. Je ne sais plus où j’en suis. Dites-moi ce que je dois faire.

–         Ce que vous devez faire ? Je n’en sais rien et si je croyais le savoir, je le garderai pour moi ou je vous le proposerai éventuellement et avec votre accord à titre d’hypothèse ou de matière à réflexion ; je vous présenterai peut-être plusieurs options pour vous permettre d’en débattre ou de vous y opposer, moyen peut-être de découvrir vos options à vous et construire votre propre cheminement. Vous me dites que vous êtes perdu. Pour être franc, moi aussi. Je ne sais pas où nous sommes. Comment souhaitez-vous que je vous accompagne dans cette errance ?

Grâce à cette franchise, j’ai pu restituer à ma cliente ses pleins pouvoirs et, lors la séance suivante, quinze jours plus tard, elle a commencé à ouvrir une nouvelle route, inédite. Mais nous n’en étions pas encore là. Cette mise en commun de notre errance a permis de faire le lien avec l’une de ses problématiques professionnelles d’ordre commerciale : ses propres clients pourraient-ils avoir justement l’impression d’être perdus aux aussi ? La réponse lui apparut soudain comme une évidence. L’exploration de cette situation-miroir occupa la fin de la séance et fut pour ma cliente une découverte qui lui permit de commencer à reconnaître le terrain.

Laisser monter la peur en attendant les étoiles

La situation a pu se débloquer parce que j’ai accueilli en totalité son sentiment d’être égarée au point d’accepter de me perdre avec elle, plutôt que de bâtir aussitôt un rempart de solutions toute faites. J’ai laissé vivre en moi ma propre peur et ma solitude, restant simplement à côté d’elle, pour mieux ressentir sa propre inquiétude.

Je restais néanmoins conscient de ma plénitude d’accompagnateur, comme si je lui disais : « Soyez sans crainte : je sais qu’il faut parfois se perdre pour mieux retrouver la bonne route, celle que nous ne soupçonnions même pas. Faites-moi confiance. Je ne connais pas ce désert où vous vous perdez, mais je sais comment accompagner quelqu’un perdu dans les dunes. » Et pour cause, m’étant déjà perdu dans mes propres déserts, ma solitude et mes jungles obscures. J’ai appris que même une fois perdus tous les instruments d’orientation, boussoles, cartes ou jumelles, il reste le secours de la nuit. Alors, les étoiles naissant au firmament offriront de nouveaux repères et guideront le voyageur vers l’oasis où croisent les caravanes autour du puits salutaire.

(1) Les réflexions à suivre sur le terme de transfert à partir du sens étymologique sont à prendre uniquement comme piste vers d’autres possibles dans l’accompagnement, sans oublier la notion psychanalytique du transfert, première et essentielle.

(2) Sur ce sujet lire l’article d’André de Châteauvieux : Désirs et interdits en coaching.

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A mon article sur le moyen de « faire le vide en soi, préalable à tout accompagnement », Eva Matesanz (http://vous-et-voies.com) a répondu par ce magnifique commentaire : « Je me prends à découvrir comment je fais le plein en moi avant chaque rencontre. Le plein de moi-même… Ce qui revient à ce que vous dites en termes d’accueil du client tel qu’il vient, sans chercher à lui plaquer technique ou idée préconçue. Je me plaquerais donc contre lui, moi-même, de tout mon poids pour sentir et lui rendre le sien ? Poids, puissance… »

Eva trace ici une autre piste essentielle du coaching et de l‘accompagnement en général : me débarrasser de mes théories et de mes savoirs antérieurs me permet de donner toute la place à la riche singularité de mon client… et à la mienne. Comme elle l’exprime très joliment : « Je me plaquerais donc contre lui, moi-même, de tout mon poids pour sentir et lui rendre le sien. » Ces deux forces en présence s’enrichissent l’une l’autre et donnent toute sa puissance à la relation qui est en train de se construire. De cet échange peut naître alors l’alliance qui va nourrir les séances à venir.

C’est bien parce que j’ai fait le vide en moi que je me suis mis en condition d’être émerveillé par mon client. Etre émerveillé, c’est-à-dire recevoir en moi les merveilles qui surgissent de cette personne que j’accueille et que je découvre peu à peu dans une relation de confiance, laquelle se construit au fur et à mesure de notre échange. Ces merveilles sont encore pratiquement inexprimées, elles sont imperceptibles et probablement inconnues de leur auteur. Sans le savoir, il me les offre, comme s’il me disait : « Voyez s’il y a quelque chose à garder. Croyez-vous qu’il y ait de l’or dans tout ce sable, des diamants dans cette boue ? »

A moi de tout recevoir. Nous ferons le tri ensemble plus tard. Je ne sais pas encore ce que mon client souhaite garder ou pas. Transformera-t-il l’or en bijou, en lingot ou le vendra-t-il pour acheter autre chose ?

Et le sable, le rejettera-t-il ? Celui-ci peut servir comme mélange avec le ciment pour construire les murs ; il peut être chauffé pour devenir verre ou cristal ; il peut recouvrir le chemin nouveau qui s’ouvre ou simplement créer une plage au bord de la mer où me reposer sous le soleil…

La richesse de mon client vient s’unir à la mienne. Nos richesses s’ajoutent et se multiplient dans un mélange unique, inédit, instable, en évolution permanente. A chaque séance, il est nouveau, chaque particule s’échangeant en permanence comme à l’intérieur d’un réacteur nucléaire. Entre chaque séance, la réaction change, évolue…

Mais ce cœur nucléaire de la relation, une fois lancé, n’a plus qu’à être alimenté à chaque nouvelle rencontre par le transfert de nos richesses mutuelles.

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Parler de soi ? Mettre des mots sur son histoire de vie ? Acte parfois difficile pour certains d’entre nous quand nous sommes amenés à nous raconter dans le cadre de notre activité professionnelle. Première étape de ce voyage dans les profondeurs de l’être, l’émerveillement de soi permet de faire émerger sa propre identité.

Lors de l’atelier d’écriture « Marketing personnel » que j’anime, je suis frappé par les réactions des participants à « l’écriture de soi » : parler de soi, mettre en mots son histoire de vie, partir à la recherche de son identité ne va pas de soi. La plupart des participants à l’atelier l’expriment de manières parfois différentes, mais un mot revient à plusieurs reprises à la fin de l’atelier : « étonnement ».

Etonnement d’être arrivé à écrire sur soi. Etonnement devant la méthode employée au cours de l’atelier. Etonnement d’y être arrivé si facilement quand, pour certains, ce passage à l’écriture de soi était bloqué depuis longtemps, empêchant jusqu’à la réalisation d’outils de marketing propres à la promotion professionnel du consultant : site internet, blog, plaquette, etc.

« Des écailles tombèrent de ses yeux »

L’étonnement nous renvoie à la notion d’émerveillement, puisque la faculté de s’étonner en constitue la première étape. La surprise, ou l’étonnement, est « révélatrice d’autre chose », comme le souligne Michael Edwards… à propos du ravissement de saint Paul (Voir son livre De l’émerveillement). Saint Paul, quel rapport, me direz-vous ? Ce qui nous intéresse ici, c’est cette phrase que relève Michael Edwards lorsque Paul est guéri de sa cécité : « Des écailles tombèrent de ses yeux ».

Les écailles tombent et quelque chose vient alors à exister et prendre forme. Une nouveauté se révèle. Ce qui était dans l’ombre prend corps peu à peu dans la lumière. Et au bout du compte, l’histoire de vie mise en mots ouvre un chemin d’avenir. Nos écailles une fois enlevées, notre autobiographie peut se dérouler, ouvrant alors la clé d’autres possibles et, partant, d’autres écritures de son marketing personnel : produits, services, activités, pratiques, références, clients…

Créativité et jeux d’écriture

La méthode que je propose dans cet atelier d’écriture permet d’entrer sans y prendre garde dans ces régions de l’être profond, ces territoires si mal connus de soi-même. Y entrer sans y prendre garde, mais dans la joie, l’amusement et la créativité.

Il s’agit d’offrir aux participants un moment privilégié, où la bienveillance et la confidentialité servent à installer un climat de confiance, de liberté et d’échange, propice au « ravissement » de soi-même. J’emploie ce mot au sens où le participant est enfin à même de ravir à soi-même ces histoires de vie en les dérobant à ses propres censeurs intérieurs. Ces censeurs prennent selon notre histoire personnelle et nos injonctions intérieures les visages du masque social, du client imaginaire, de l’enseignant, du parent, du chef, etc.

Identité et don de soi

L’atelier d’écriture et son espace de liberté protégée permettent de créer cette ouverture. Bienheureuse déchirure ! « On ne sait jamais, note Michael Edwards, quelles ressources l’on va découvrir en s’ouvrant à l’inattendu de ce qui existe au-delà du moi, tant dans la contexture des circonstances que dans cette obscurité intérieure, cette ombre de nous-même qui nous accompagne. »

Mais vous vous demandez peut-être pourquoi conférer une telle importance à l’expression de son identité. Parce que, sans la connaissance de soi, impossible d’arriver au don de soi. Et si je ne sais pas qui je suis, je ne peux rien être pour les autres. Pour mes proches, pour mes collègues, mes clients, mes partenaires, mon entreprise… Mais nous voici au seuil d’une autre histoire, ouverte à l’occasion de cet atelier et qui débouche sur le lancement d’un autre blog.

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Selon le classement du magazine International Living, la France reste le pays ayant la meilleure qualité de vie au monde pour la quatrième année consécutive.

Dans la dernière édition du classement établi depuis 30 ans par International Living, la France arrive devant l’Australie (2e), la Suisse (3e), l’Allemagne (4e) et la Nouvelle-Zélande (5e).

« Pas de surprise. Une bureaucratie agaçante et des impôts élevés ne l’emportent pas sur l’imbattable qualité de vie », commente le magazine.

Selon International Living, « les Français pensent que chaque jour est un plaisir unique qui doit être savouré lentement ». Le magazine estime que les Français mettent « tant de fierté dans les petits détails » et cite à ce sujet « les petites jardinières fleuries aux fenêtres, les jardins bien entretenus, les charmantes terrasses de café, et les rues propres ».

Un rêve peut-être, mais une leçon à retenir :

  • penser que chaque jour est un plaisir unique qui doit être savouré lentement ;
  • ce sont les petits détails qui font le charme de la vie, malgré les difficultés, les souffrances, les chagrins ;
  • à nous de repérer ces petits détails au cours de la journée ;
  • partager ces trésors avec les autres et les leur offrir, par exemple un simple sourire…

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Dans son livre  Un homme sans larmes, l’écrivain Pascale Roze, Goncourt 1996 pour son premier roman Le Chasseur Zéro, part sur les traces du poète latin Horace pour y retrouver les fondements personnel d’une philosophie de la joie. Une leçon de vie qui revient à mettre au cœur de l’existence la capacité à s’émerveiller des choses simples, quotidiennes, presques banales, cette faculté d’éprouver la joie même dans les pires moments.

« Simplement m’asseoir dans l’herbe, écouter brouter les vaches, regarder le ciel étoilé, répondre à un sourire ou l’offrir, manger, boire, dormir, lire et écrire ce qui me fait plaisir au-dedans de moi-même, m’occuper de mon jardin qui n’est qu’un lopin de terre. Il me faut si peu. Je me contente de si peu. Il arrive que cette pensée m’attriste, ou que m’angoisse l’idée de ce que j’ignore, de ce que je délaisse. Mais c’est un sentiment presque malhonnête car très vite m’enflamme à nouveau la certitude de la chance que j’ai à savoir goûter d’être vivante dans ce monde-là, dans précisément les limites de ce monde-là. Et ce, sans avoir besoin de la moindre raison. […]

Le bonheur est d’autant plus troublant, bouleversant, puissant, que le désastre existe. Dans les peines intenses que la vie nous inflige, des plaisirs infimes comme la survenue d’une odeur dans la rue, ou le visage avenant d’un inconnu – qu’on aurait ignoré si on allait bien, si on n’avait pas le cœur noyé de souffrances – peuvent suffire à vous ramener à la vie. Comme si le malheur nous ouvrait davantage les yeux à la gratitude. Comme s’il y avait malgré tout quelque chose à quoi il faille dire merci, même à l’hôpital, même dans un asile, même dans une prison. Il y a des gens capables d’éprouver la joie dans le plus grand désastre. Germaine Tillion dit que sa mère était de ceux-là à Ravensbrück. À Ravensbrück, elle offrait sa joie. Elle n’était certainement pas de résignation. »

(Pascale Roze, Un homme sans larmes, p. 120-121 de l’édition brochée, Stock 2005.)

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